.Don Michaud en quête de sa vérité
Entre le Merveilleux et le Surréel
Prince Guetjens à l'ENART'S
Haiti Liberté Mai 2011
Généralement on tend à confondre l’artiste avec sa production, et souvent il arrive à certains journalistes de parler davantage de l’artiste alors qu’ils ont à se pencher sur ses œuvres. Cette façon de procéder qui doit paraître naturelle aux yeux de plus d’un, pose problèmes pourtant à plusieurs niveaux, dont je ne vais pas prendre le temps de développer dans le cadre de cet article consacré aux dernières propositions de Don Gérald Michaud sur le plan pictural.
Il m’a été donné de voir une vingtaine des dernières toiles de l’artiste Haïtien Don Michaud, desquels j’ai choisi de soumettre deux à une analyse pour permettre au grand public d’avoir une idée de l’orientation esthétique de ce créateur, qui fait le choix de s’inscrire dans une démarche encore non défini que je baptiserais Surréalisme Merveilleux.
Descendu de nulle part un pied androgyne, partant des nuages se pose sur un parterre, en carreaux de mosaïque délimité par des pylônes de bétons longeant en ligne droite avant de se perdre dans la lumière écarlate de l’horizon. Ce long parterre jouxte une nature un peu sauvage où les éléments s’harmonisent au gré des saisons, « Être ou ne pas être » peinte en 2007, dénonce une certaine appréhension chez l’artiste à se ranger dans une démarche plutôt réfléchie. Si l’attitude aérienne laisse augurer une certaine influence du surréaliste espagnol Salvador Dali, dans une facture moins maniérée, l’organisation spatiale se démarque de la facilité en respectant toutefois certains principes de la perspective développés et exposés dans le célèbre libre de l’architecte Léon Battista Alberti (1404-1472).
Sur le plateau sont dispersés ça et là des motifs ; papillon, moité d’œuf, poisson, aubergine, des coquillages plus grands que nature si on tient compte de leur dimension dans la ligne de fuite, une végétation et de l’eau. L’ensemble est soumis à un éclairage violent venant du côté opposé au spectateur qui déstabilise la cohabitation, un tantinet forcée, des couleurs les plus opposables. Cette montagne à la végétation multicolore avec une dominance orange, mauve et ocre brun balayée par l’astre de lumière qui se laisse prendre en sandwiche entre ce morceau de ciel bleu tournant au vert et la montagne.
Mère Nature », l’une des plus récentes toiles de Don Michaud datant de 2010 s’ouvre sur une représentation de femme émergeant d’un magma nourricier composé d’eau, de feu et d’autres matières dans un ailleurs indéfini. Cet ailleurs situé entre les cieux et la mer, accouche de tout, par exemple de ces deux poissons trompettistes qui délimitent le cadre fragile où se place une femme nue, dont les seins semblent sculptés par d’autres mains avant de prendre leur place dans l’ensemble. Malgré la distance en années de lumière qui les sépare, par la magie de créer trois dimensions sur une surface qui ne contient que deux, les trompettes semblent évoluer dans le voisinage immédiat d’une lune sectionnée en deux parties inégales contrastant par sa blancheur sur un pan de ciel bleu.
Pareille à une déesse évadée d’une quelconque paradis imaginaire, cette beauté au ventre arrondi, parée de perles, portant sur la tête une couronne sacrée est traitée dans une logique formelle de la déformation, qui remet en question les lois de la proportion au niveau de l’anatomie du corps humain. Le poisson, l’œuf ainsi que le coquillage n’ont pas raté le train une fois de plus. Dans la construction graphique de ce tableau quant au choix des tonalités, l’artiste fait preuve d’une connaissance approfondie de la gamme chromatique chère à Paul Cézanne.
Au-delà des formes, des objets et des autres motifs, Don Michaud s’attache à reproduire et à jouer sur les effets de lumière, et sur les teintes des couleurs, et la résultante de l’interaction entre ces deux éléments. Il prête peu d’attention aux détails des formes, pourtant impérieux pour les deux courants qui alimentent son cru : le Surréalisme et le Réel Merveilleux proposé par Alejo Carpentier. Don Michaud tente de manière délibérée de prendre ses distances vis-à-vis des préoccupations littéraires ou narratives de la peinture pour mieux organiser l’opposition - conjonction qui définit les relations entre la couleur et la lumière. Il se contente de noter schématiquement et rapidement, avec un minimum d’élaboration intellectuelle ce qu’il ressentit devant la nature et les utilise comme prétexte dans la construction de sa démarche esthétique.
Don Gérald Michaud vit actuellement en Floride (USA) et il travaille comme professeur d’art à la Adult Education & Community de Naples, Miami.
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