Jean Idélus Edmé : une palette populaire moderne
Vers une rééducation de l'oeil
Prince Guetjens à Gary, Isa, Glory et Sylvie
La pèche |
Idélus Edmé s’est inscrit très tôt dans la grande tradition de la peinture populaire du Centre d’art en optant pour une écriture picturale qui a connu des heures de gloire à travers le monde, mais dénigrée par les adversaires de DeWitt Peters, qui continuent aujourd’hui encore à livrer une guerre sans merci à une forme d’expression artistique revendiquant une certaine authenticité haïtienne.
La palette a butiné dans tellement de fleurs qu’il devient pratiquement impossible d’identifier son influence avec exactitude. Il s’est essayé à presque toutes les formules et techniques, dont les maîtres issus de ces lieux en portent la marque. Grandir à l’ombre de ces grands portraits qui n’avaient plus quitté le Centre d’art depuis qu’ils étaient partis pour l’au-delà n’était pas chose facile. Ce n’était jamais assez bon. Et cela ne saurait être autrement quand on avait pris la décision de marcher sur les traces d’un Hector Hyppolite, d’un Philomé Obin, d’un Louverture Poisson ou d’un Jasmin Joseph. Le jour où il s’était rendu compte qu’il devait être lui-même et pas un autre, l’artiste s’est construit une personnalité qui lui a permis de consolider ses acquis en élargissant à chaque jet un peu plus son territoire.
La peinture d’Idélus fait écho à une réalité immédiatement perceptible qui charrie toute une manière d’être, une conception de monde qui permettent à tout un peuple d’exister parmi d’autres peuples, parce que, à l’instar des autres peuples, il a son port d’ancrage. Il suffit de résister à l’idée de regarder cette peinture au premier degré pour en découvrir tout son secret. Mais cela exige de la considérer pour ce qu’elle est, et non comme un exercice raté d’une autre peinture répertoriée, répondant à d’autres exigences plastiques. Donc cela exige une certaine hauteur. Ce qui a fait énormément défaut même aux théoriciens de l’art haïtien pour la plupart, qui aujourd’hui encore continuent de parler de peinture naïve – primitive parce qu’un jour, au cours de l’année 1945 Jose Gomez Sicre et DeWitt Peters ensuite avaient utilisé ces vocables.
A la campagne |
Dans les deux toiles, on y voit des extravagances d’un métier sérieusement appris tant au niveau de la construction de son morceau d’espace imaginaire, de l’organisation de sa surface de manœuvre ainsi que dans sa maîtrise du pinceau - couteau et des couleurs. Conscient que l’artiste depuis la découverte de la Photographie vers la fin du XIXe siècle par Daguerre et Niepce n’avait plus pour mission de fidéliser la représentation du réel quotidien, Idélus se contente d’utiliser des symboles ébauchés pour donner libre cours à sa recherche au niveau de l’interrelation entre les couleurs. Ainsi il déplace l’orientation de la peinture populaire haïtienne vue par la plupart des peintres de ce courant de son objectif initial, pour la soumettre à d’autres préoccupations moins subjectives. En cela il réunit les conditions pour être un peintre populaire moderne.
L’artiste peintre Jean Idélus Edmé vit actuellement à Miami, Floride.
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