mardi 1 novembre 2011

Regards Critiques

Ministère haïtien de la Culture
De la nécessité de renforcer ce secteur trop longtemps négligé

Prince Guetjens
Critique d’art                                                         Haiti Liberté New York 2 nov. 2011
     
L'Écrivain-Plasticien Frankétienne
    Malgré le caractère stratégique d’une institution d’Etat aussi prestigieuse que le ministère haïtien de la culture, les gouvernements successifs en ont toujours fait un fourre-tout, où des protégés souvent inaptes du président de la République, ou tout simplement des représentants de l’opposition sont régulièrement casés – à l’issue de la séparation du gâteau - sans devoir de résultat.
      L’arrivée de Choiseul Henriquez à la tête de ce ministère dans le gouvernement dirigé par Garry Conille est à ranger dans l’un des deux paniers. À Port-au-Prince, il n’est un secret pour personne que l’actuel ministre, qui vivait en terre étrangère, a fait plusieurs fois le voyage vers Haïti dans l’espoir d’être nommé à ce poste par son ami le président René Préval dont il était le responsable du bureau de presse (1996-2001). Mais à chaque fois, l’autre refusait de signe l’arrêté présidentiel. Selon toute vraisemblance, cette fois il se retrouve bénéficiaire d’un acte de reconnaissance envers le régime déchu pour service rendu. Est-ce nécessaire de chercher à savoir pourquoi René Préval ne voulait pas de lui comme ministre sous sa propre administration ?
Marie Laurence J. Lassègue
     Après le règne de la toute-puissante Marie Laurence Jocelyn Lassègue, qui malgré ses pétarades ne comprend pas grand-chose à la culture, ce ministère aurait besoin d’un homme ou d’une  femme coulée dans le moule de ce secteur, pour tenter de sauver les meubles. Au cours des ces trois dernières années, le cabinet du ministre de la culture était devenu une mangeoire pour des gens, qui pour la plupart ne répondaient d’aucun lieu et ne disposaient d’aucun cursus dans ce domaine. En dehors des faveurs octroyées à des petits copains ou petites copines, cette institution n’a pratiquement rien entrepris. Il en résulte que le secteur culturel a sévèrement été sanctionné par ce choix.
L'Écrivaine Lilas Desquiron
     Aujourd’hui, sommes-nous en présence d’une forme de continuité qui ne dit pas son nom ? Le président de la république a-t-il laissé légué ce poste au parti Unité comme on jette une miette à un ami embarrassant, de qui l’on attend rien de fructueux ? Ce sont autant de questions agitées dans les milieux artistiques, littéraires, culturels du pays. Il faut rappeler que dans ce secteur comme dans d’autres, le pays dispose de suffisamment de valeurs aptes à remettre de l’ordre dans les choses. Mais à chaque fois, la politique partisane prend le pas sur les intérêts primordiaux de la nation.
L'Architecte-Plasticien Daniel Elie
     La nouvelle équipe gouvernementale a opéré des changements au sein de l’appareil culturel de l’Etat. Ce qui est tout à fait normal. Emmelie Prophète est remplacée par  Frantz Michel Carly à la Direction Nationale du Livre. À croire ce qu’elle vient de publier sur son mur facebook, c’est par la voix des ondes qu’elle aurait appris son éviction (ce qui nous rappelle la manière dont l’historien de l’art Voltaire Jean a été mis à la porte à la Télévision Nationale d’Haïti de son poste de coordonnateur culturel récemment, ainsi que Patrice Dumont, l’écrivain Garry Augustin et d’autres cadres). Les Presses Nationales, la Radio Nationale, la Bibliothèque Nationale ont aussi de nouveaux directeurs. D’autres institutions comme le MUPANAH, les Archives Nationales et particulièrement la Télévision Nationale d’Haïti où il y a eu des scandales (révocations illégales, persécutions de journalistes et autres dérives) figurent sur la liste des remaniements attendus dans l’immédiat.
    À quoi doit-on s’attendre d’un ministre de la culture qui n’a jamais rien produit dans ce domaine ? Devrait-on lui donner une chance tout en sachant qu’il n’a ni le savoir ni l’expérience pour réussir ? Il est vrai que le changement de cabinet ministèriel est pour bientôt, d’ici-là on va sans doute devoir continuer à subir et assister dans une impuissance active la valse d’un éléphant dans un magasin de porcelaine.
L'Architecte Olsen J. Julien
     Comme je l’ai soutenu au début, le ministère de la culture est souvent considéré comme quantité négligeable dans le partage des postes ministériels. Mais, il faut le reconnaître, ce n’est pas le seul poste vu à travers cette lentille déformante, c’est aussi le cas pour le ministère de l’environnement et celui des affaires sociales. Compte tenu de l’importance de ces secteurs dans l’amélioration de la vie en Haïti, on est tenté de croire que la politique revêt une autre définition pour les décideurs haïtiens.
     Contrairement aux idées reçues et pour faire preuve de probité intellectuelle, nous devrions rappeler que, depuis la création de ce ministère-clef à côté des ignares qui y ont accédé, nombre d’intellectuels et de technocrates ont eu ce portefeuille. À l’image d’un André Malraux inaugurant le ministère français de la culture sous De Gaulle, l’écrivain Frankétienne est le premier récipiendaire du ministère de la culture haïtien sous la présidence de Lesly François Manigat, qui a fondé cette institution. D’autres compétences comme Lilas Desquiron sous la présidence de Jean Bertrand Aristide, ou Daniel Elie, Olson Jean Julien plus récemment ont aussi occupé ce poste.
     Il est à souhaiter qu’en dehors d’un plan de politique général pour Haïti incluant un volet pour la culture venant du gouvernement, l’actuel récipiendaire dispose au moins des notions de gestion compatibles à ce secteur plutôt en crise. Laquelle crise est aggravée par la démission de l’Etat au cours des ces trois dernières années.



         

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