De l’Urgence de promouvoir la Culture en Haïti
L’un des rares denrées encore exploitables au profit de la nation
Prince Guetjens
Critique d’art
Haïti Liberté NY, 16 Nov. 2011
Dambalah d'André Pierre |
Il ne fait pas de doute qu’Haïti représente aujourd’hui un trésor convoité par les grandes puissances, tant pour ses nombreuses ressources naturelles, culturelles et minières encore inexploitées, que pour la situation géopolitique qu’elle occupe dans la région des Caraïbes. Cette ambition longtemps dissimulée a connu une résurgence sans précédent au cours de ces deux dernières décennies et particulièrement au lendemain de la catastrophe du 12 Janvier 2010.
Si les ressources minières exigent, une technologie et des investissements considérables pour être exploité - des moyens dont le pays ne peut pratiquement pas disposer aujourd’hui - pour des raisons que personne n’ignore. Ce n’est pas le cas, en ce qui a trait à la Culture. Mais, force est de souligner que depuis la fondation du ministère haïtien de la Culture, aucun gouvernement n’ait encore compris la nécessité ou même l’urgence de renforcer les capacités d’une pareille institution, en vue de mieux appréhender la problématique actuelle de l’Haïtien, qui pourrait se résumer ainsi : Comment exister sans pouvoir revendiquer la contribution d’Haïti, aujourd’hui, à la modernité ?
Certains doivent se dire en lisant ce papier, qu’est-ce qu’il va chercher dans la modernité alors qu’on n’est même plus en mesure de se nourrir, ou même de bien choisir nos dirigeants ? Ils n’auraient pas tout à fait tort de réfléchir ainsi, mais souvent la réponse aux questions ne se trouve pas toujours là où on suppose.
Les « spécialistes » d’Haïti ont beau travailler sur le cas, mais à chaque fois leurs solutions enfoncent davantage le pays dans l’incertitude. Et si pour une fois, on essayait la solution culturelle. Bon ! le moment est peut-être mal choisi pour « adresser » une pareille question. En tout cas, pas à l’attention d’un gouvernement qui affiche autant de mépris pour ce ministère, au point de l’avoir livré à ceux-là même qui ont poussé le pays dans cette impasse.
Vèvè d'Ayizan |
L’histoire de l’humanité est là pour le prouver s’il en était besoin, qu’aucun peuple ne peut franchir les frontières du progrès, qu’elles soient humaines ou techniques, en-dehors du principe de l’appréciation de soi. Cette appréciation fondée sur son histoire ne peut être accessible et efficace qu’à travers une école qui prend sa source dans la culture de ce peuple. Donc, l’une des premières actions à poser dans l’objectif d’une renaissance haïtienne serait le rapatriement de l’École haïtienne.
Tant vaut l’école tant vaut la nation, disait l’autre. Le résultat de l’école haïtienne après deux cents ans, sous le contrôle de l’église ne devrait pas étonner, quand nous tenons compte du rôle central de cette institution dans la consolidation de l’esclavage. Ne soyez pas choqués de constater que très peu d’intellectuels, de technocrates ou de politiques haïtiens puissent tenir pareils propos, parce que plus longtemps on a été à cette école, plus on devient esclave, docile et réceptif.
Mais parallèlement à cela, l’Occident dispose d’atouts convainquant comme : prix littéraires, résidences, bourses d’études, promesses d’accéder au pouvoir et autres fatrasies pour tenir en respect, la catégorie d’haïtiens la mieux équipée à faire face. Certaines fois, ils se dénigrent sans en avoir conscience. Ce n’est pas un hasard, s’ils sont en majorité Louverturien et détestent Dessalines ; le père de la nation, comme c’est le cas de l’ancien maître.
Si l’on tient compte du fait que la culture est constituée par l’ensemble des habitudes, coutumes, pratiques, savoir-faire, stratégies, interdits, normes, règles, savoirs, mythes, valeurs, idées, croyances qui se perpétuent de génération en génération, se reproduit en chaque individu, génère et régénère la complexité sociale 1 : elle est donc l’outil tout désigné pour concrétiser ce rêve. Il est prouvé que l’être humain serait un primat du plus bas rang à cause des ses instabilités, ses interférences et ses oppositions internes si la Culture n’avait pas le pouvoir de colmater les brèches et de remplir un vide souvent laissé par la juvénilisation et l’inachèvement biologiques.
Vèvè de Legba |
En mettant à profit les organismes autonomes dépendant du ministère de la Culture et de la communication, le travail de remodelage de l’homme Haïtien, dans la mesure qu’il soit inscrit comme une priorité bénéficiant de la volonté politique de l’Etat, est encore possible. Chacune de ces institutions créée, au cours des derniers jours de la dictature des Duvalier, peut jouer un rôle important dans cette mission de refondation de la nation. Il suffit de les passer en revue pour se rendre à l’évidence.
Aujourd’hui, plus que jamais, malgré le climat de discorde qui règne dans le pays, nous sommes appelés à avoir les coudées franches pour ne pas perdre définitivement cette terre que nous a léguée nos ancêtres. S’il est vrai qu’une autre Haïti est possible, pour reprendre notre ami Jean Yves Jason, il faudra aussi des fils et des filles dignes de ce nom pour la reconstruire, chérir et l’habiter en toute dignité. Pour cela, il n’y a d’autres issues que de casser la moule qui pourvoit au renouvellement du corps social. Il faut enfin une École haïtienne pour former des citoyens Haïtiens.
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