De l’Urgence de promouvoir la Culture en Haïti
Comment revendiquer notre contribution à la modernité ?
5è partie
Prince Guetjens
Toute la question est là, en étant ce que nous sommes devenus à cause de la lâcheté des uns et de l’ingratitude des autres comment pouvoir revendiquer quoique ce soit comme contribution à la modernité. On se retrouve dans une situation aujourd’hui, où il nous est presque impossible de blâmer qui que soit, quant au sort qui nous est infligés.
Louverture Poisson |
On peut tout aussi bien dénoncer la traîtrise et le reniement de frères dénaturés issus de toutes les catégories sociales ayant courbé l’échine par lâcheté ou par avarice en travaillant au détriment des intérêts fondamentaux de la nation. On aura beau les blâmer pour ces fautes impardonnables, mais ils finiront toujours par bénéficier de circonstance atténuante, quand on sait à quelle école ils ont été formés, à quelle moule ils ont été modelés.
Au lendemain de l’indépendance et de ce que les détracteurs du père de la nation appellent « le massacre des Français » - comme si ces derniers n’avaient pas massacré nos grands parents pendant près de trois cents ans - l’éducation des petits Haïtiens a été confiée à l’église catholique. C’est ce que j’appelle le premier moment de la contre-révolution. Le Christianisme qui avait jusque-là soutenu et encouragé les vols, les viols, les massacres, les pillages, les génocides perpétrés par les Européens contre les peuples de l’Amérique, allait au fur et à mesure replacer la chaîne de l’esclavage dans le mental de notre peuple. Nos grands parents qui venaient de chasser l’armée napoléonienne du territoire ne savaient pas que les militaires étaient moins dangereux que les idéologues ; les prêtres, les professeurs, quant à l’abêtissement - asservissement de plusieurs générations d’ Haïtiens depuis 1804.
Ayiko Dance |
Nous ne parlons pas d’une infirme minorité d’Haïtiens dans cette situation, il s’agit de la majorité, au rang de laquelle on retrouve des illettrés comme des intellectuels, des politiques comme des religieux, des gens du peuple comme de la bourgeoisie, des mulâtres comme des noirs foncés, des fils de Gòldenbè comme des fils de Sò Yèt, des réactionnaires comme des militants. Le pire, c’est que pour la plupart ils se trompent de bonne foi. Il suffit de leur parler un instant pour voir à quel point ils aiment leur pays. Les rescapés de ce génocide mental fomenté par l’école des anciens colons sont peu nombreux et disposent de peu de moyens pour permettre à cette grande majorité d’accéder à la lumière.
La contribution d’Haïti à la modernité est à inscrire dans la panoplie de l’apport des autres peuples dans la longue marche de l’histoire de l’humanité. Émergée d’un système d’exploitation de l’homme par l’homme, Ayiti fut pendant longtemps le cobaye principal dans une expérience moderne de l’esclavage. Une expérience brutale, sanguinaire et criminelle qui s’est révélée néfaste à cause des moyens utilisés par la France en vue d’une meilleure exploitation de cette force de travail. Rien ne fut écarté comme outils répressifs ; torture, exécution, conversion, pour pousser la machine à fonctionner à plein régime, et certaines fois au-delà.
De cette situation inhumaine apparût la notion de Liberté ; fer de lance impitoyable, qui sert aujourd’hui de prétexte aux puissances militaires du monde pour intervenir dans les pays du Sud à d’autres fins.
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