mardi 23 août 2011

Regards Critiques

Refus, vérités et autres Ombres du Prince

Par Jean Emmanuel Jacquet                                                       
Critique                                                                                                                      le Matin 03 Aout 2011

Vient de paraître au mois de Juillet 2011, dans la collection Lettre Terres de l’éditeur “La Chasseur Abstrait“ basé en France, le premier recueil de poèmes de Prince Guetjens, “Ombres Taquines”.

   Un long poème d’une centaine de pages déroulé autour d’une série d’inquiétudes - la recherche de la vérité, les défis de la conscience, la célébration du corps, l’acceptation de la tradition ou la quête de nouvelles formules – qui bousculent le réel de l’homme.
Prince Guetjens tente, dans ce recueil de poèmes, de réfléchir sur des thèmes qui ont longtemps encombré sa pensée. Au travers de sa poésie, chemine un discours périssable, mais assuré, sur les valeurs du temps, sur le stress total qui sombre l’individu dans une situation de non-retour. Comment donc dépêtrer sa pensée et son corps des rigueurs de la ville ? Comment le rendre maître de ses pulsions, de ses désirs, lui permettre de décider de ses propres armes, de ses propres luttes ?
Dans une écriture plutôt sommaire, par rapport à celle de ses traités critiques sur l’art, Prince Guetjens arrive à nous offrir une poésie unique. Ici, le langage est plutôt transitoire. L’individu est frappé d’ombres qui le guettent, qui l’aliènent. Il est confronté à des défis et son cœur est fragilisé devant les phénomènes inconnus qui se présentent à lui.
Ma conscience
Est une lueur d’incertitude
Qui prélude l’entracte
  L’auteur fait appel à la conscience pour éviter les excès de zèle. Son poème appelle à une réappropriation de la mémoire. Survoler chaque âge pour corroborer ses pas. C’est une poésie de l’apparence, une poésie de l’épiphénomène où chaque phrase peut servir de slogan, de vision à l’insubordonné. La mémoire est gardienne de l’autarcie. C’est d’elle que doit naître l’idéal de l’homme.
Dans Ombres Taquines, les options sont multiples. L’individu peut choisir de s’évader en silence, tout en se rapprochant de ses ombres stériles, ou se moquer des contingences de la vie. Prince Guetjens présente sa perception de l’horizon incertain. Tout vient selon lui de pulsions et d’inconnues vérités. Ce sentiment inouï qui nous hante coïncide souvent avec la magnificence de la nuit. Et quelquefois, les mélodies de la mer arrivent comme les seules réponses aux incertitudes.
La mer invente des mélodies
Pour enrichir la symphonie du vent
Chuchotée par les vagues molles
De la nuit endormie
Pareille à l’envers de l’inconnu
   L’auteur fait des remontées dans le temps, dans l’histoire, pour saisir la geste des ancêtres. Toute sa certitude repose sur les blessures de nos héros qui reviennent à nous comme une marque d’identité et nous fragilise. La violence est perpétuelle et ses jeux sont délétères à mesure que les hommes et les choses trouvent de nouvelles cohabitations.
Prince Guetjens, tout en priorisant la poésie des textes sur leur déduction, nous présente un argumentaire rigide sur la vérité. Entre cette dernière, en tant que telle, et sa quête continue, il n’y a qu’une enjambée.
Enfant de l’art, militant de l’amour
Rêveur en quête de l’essence du beau
Qui croit que la vérité n’est autre
Que la recherche de la vérité
    De temps en temps, l’auteur d’Ombres Taquines revient à la réalité. Il rôde la chimère sociopolitique des autochtones, bref, de tous les citoyens qui, depuis les vagues de la mer, rêvent du pays de l’autre. Ce phénomène de boat-people qui devient un état d’âme, une façon de voir la vie, comme si elle devrait avoir pris corps sur l’autre. A Miami, la ville ambitionnée, parce que la plus proche.
Il fait noir
Les batteries du soleil
Sont tombées
La mer a déjà vomi
Son indigestion de boat-people
Sur le sable de Miami
   Prince Guetjens qui vient de terminer un essai sur une tranche importante de l’histoire de la peinture haïtienne : La Scission de 1950, la mise en échec de la peinture populaire haïtienne au Centre d’Art Haïtien, ainsi qu’un roman : Et l’amour aussi, arrive à exhiber la difficile corrélation entre le vrai et ce qui paraît l’être en effet. Ce boniment complexe sur le vrai et le vraisemblable nous renvoie à d’autres réflexions sur le comportement de l’homme face à la vérité.

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