lundi 6 février 2012

Carnage de Roman Polanski

Carnage de Roman Polanski
Le Cri Sublime d’un Artiste mis en quarantaine

Prince Guetjens
                                                                                     Haiti Liberté New York, 25 Janvier 2012
Une scène de Carnage
Une chose, c’est de mettre en cage un rossignol, une autre c’est de l’empêcher de fasciner par sa voix. Cette image m’a paru adéquate pour introduire un fichier du dernier film de Roman Polanski, sorti le 11 décembre 2011 dernier que j’ai eu le privilège de voir lors de sa grande sortie dans un theater de Manhattan.
L’histoire est, on ne peut plus simple. Dans un jardin public, deux enfants de 11 ans se bagarrent et se blessent. Les parents de la victime demandent à s’expliquer avec les parents du coupable. Rapidement, les échanges cordiaux cèdent le pas à l’affrontement. Ce sujet plutôt léger est une adaptation au cinéma de la pièce de théâtre Française Le Dieu du Carnage (2006) de Yasmina Reza. Ce huit clos entre quatre adultes bourgeois a remporté de nombreux prix dont un Laurence Olivier. La pièce a suscité l’intérêt du cinéaste qui a invité la dramaturge à travailler avec lui sur l’adaptation de l’œuvre en scénario pour le cinéma.
Ce film qui met sur le même plateau de grosses pointures comme Jodie Foster, John C. Reilly, Kate Winslet et Christoph Waltz, ponctue le retour de Roman Polanski d’une longue traversée du désert. Après la petite perle cinématographique The Ghost Writer, le réalisateur fait son retour sur les planches dans une écriture différente enrobée d’une esthétique rare, qui sonne comme le Cri Sublime d’un Artiste mis en quarantaine.
Une scène de Carnage
Cette rencontre entre les familles des deux enfants en conflit va se dérouler sur un fond désabusé, à la fois cynique et hypocrite. Je crois qu’il est bon de souligner que l’Artiste a entamé l’écriture du scénario de Carnage au moment de son assignation à résidence dans un chalet isolé dans l’arrière-pays de la Suisse, au lendemain de son arrestation en 2009 liée à l’affaire Samantha Greimer.
Il est vrai que Carnage laisse suinter une odeur de cynisme, mais il ne faut pas non plus chercher les causes uniquement dans la situation sociale et juridique du réalisateur, puisque cette ambiance perverse a servi de décor pour d’autres films qu’il a signé dans le passé Rosemary’s Baby, La jeune fille et la mort, Lune de fiel. Toutefois, force est de soutenir que le Pianiste qu’on pourrait considérer comme l’une de ses meilleures créations, à travers laquelle il met en exergue le ghetto de Varsovie, qui est un devoir de mémoire est libre de tout sentiment de cynisme et de haine.
Le Réalisateur Roman Polanski
Dans Carnage, le réalisateur a traité et poussé ce sentiment généralement considéré comme négatif à une dimension supérieure qui le rend aimable. On a l’impression, tout à coup, d’aimer le cynisme modelé par la plume de Polanski. Ces quatre parents, réunis dans un salon de New York pour dissiper un léger malentendu résultant d’une violente dispute entre leurs progénitures entamé dans les normes de la bienséance et du savoir-vivre parés d’artifices clinquants dans une attitude d’adultes raisonnables cohérents, sociables vont, au tournant des politesses, se débarrasser de leurs masques encombrants pour exposer à nu la laideur humaine.
Le réalisateur s’est colleté à un travail d’artisan en optant pour le tournage en temps réel. Comme cette manière d’approcher la réalisation l’exige, les acteurs ont bossé comme des chefs deux semaines durant, avant d’affronter le tournage d’une heure et vingt minutes de tension et de stress simulées. Contrairement au tournage de The Ghost Writer, cette fois Polanski avait à sa disposition un champ de cinq pièces dans une maison pour camper. Loin de réduire son champ de manœuvre, le milieu restreint que les circonstances lui ont conféré pour pondre ce petit bijou n’a en rien appétit sa virulence créatrice et sa capacité à pousser ce genre artistique dans ses limites les plus ultimes.
Carnage est un film à voir.

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